L’Afrique et Haïti Face au Retour de Donald Trump : Un Deuxième Mandat qui Ravive les Cicatrices et les Espoirs

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, à la suite d’une élection marquante le 5 novembre 2024, avec 277 grands électeurs, soit 51 % des voix, devant sa rivale démocrate Kamala Harris, qui en a obtenu 224 avec 47,5 % des suffrages, suscite de vives réactions en Afrique, en Haïti, et dans la diaspora. Le souvenir de son premier mandat, de 2016 à 2020, reste profondément ancré, surtout en raison de propos polémiques ayant offensé la fierté et l’histoire de peuples liés aux États-Unis. Haïti, premier peuple noir à se libérer de l’esclavage et à incarner les idéaux de liberté en Amérique, avait été qualifié par Trump de « pays de merde », des mots qui résonnent encore avec indignation.

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Bico, un Haïtien vivant à Miami, exprime sa frustration : « C’est un retour en arrière pour nous. Nous avons travaillé dur pour établir une vie stable ici, mais ces discours nous rappellent que nous ne sommes pas toujours les bienvenus. » De son côté, Fatou, une Sénégalaise installée à New York, partage ce sentiment : « Nous venons ici pour contribuer, pour travailler, mais Trump nous fait nous sentir comme des intrus. Sa réélection est une déception pour beaucoup d’entre nous. »

Contribution des immigrants haïtiens et africains aux États-Unis
On estime que plus de 3,5 millions d’immigrants africains et haïtiens résident aux États-Unis, contribuant de manière significative à l’économie américaine dans des secteurs clés comme la santé, la construction, l’éducation, et la technologie (source : Pew Research Center). Par exemple, environ 15 % des infirmiers étrangers aux États-Unis sont d’origine africaine ou haïtienne, jouant un rôle essentiel, surtout pendant la pandémie de COVID-19 (source : American Community Survey).

Impact économique des envois de fonds
Les immigrants haïtiens et africains envoient chaque année des milliards de dollars à leurs familles dans leur pays d’origine. En 2023, les Haïtiens ont transféré environ 4,2 milliards de dollars vers Haïti, ce qui représente plus de 20 % du PIB du pays (source : Banque mondiale). Pour l’Afrique, les transferts de fonds depuis les États-Unis s’élèvent à environ 15 milliards de dollars par an, soutenant l’économie locale et jouant un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté (source : Banque mondiale).

Taux de réussite scolaire
Les immigrants africains et haïtiens affichent des taux de réussite scolaire élevés aux États-Unis. Plus de 30 % des Africains âgés de plus de 25 ans possèdent un diplôme universitaire, ce qui dépasse la moyenne nationale (source : Migration Policy Institute). De nombreux jeunes haïtiens et africains intègrent des institutions prestigieuses, reflétant une détermination à réussir malgré les défis.

En Haïti, les réactions sont tout aussi vives. Martine, une Haïtienne vivant à Port-au-Prince, résume le sentiment de beaucoup : « Nous avons une histoire commune avec les États-Unis. Nous avons contribué à leur indépendance, mais Trump semble ignorer cela complètement. C’est blessant pour nous. » Pour un jeune entrepreneur, Pierre, « Trump a une occasion de corriger les erreurs de son passé. Mais nous ne pouvons pas attendre seulement des gestes de sa part ; il nous faut aussi nous réorganiser ici. »

Défis et discrimination
Les immigrants haïtiens et africains font face à des défis importants, notamment la discrimination et les stéréotypes. Les déclarations polémiques de Donald Trump ont renforcé un climat de suspicion et d’exclusion pour ces communautés. Ces propos ont provoqué des vagues d’indignation sur les réseaux sociaux, où des centaines de milliers d’internautes ont dénoncé la stigmatisation des Africains et Haïtiens, mettant en lumière les obstacles auxquels ces communautés sont confrontées (source : Twitter Analytics, Pew Research Center).

En Afrique, le sentiment est similaire. Aliou, un étudiant nigérian à Lagos, déclare : « Trump nous voit à travers des stéréotypes. Nous sommes des partenaires, mais il ne nous traite pas comme tels. Nous espérons que cela changera, mais nous restons prudents. » En Côte d’Ivoire, Awa, une jeune entrepreneuse d’Abidjan, souligne : « Nous ne pouvons pas ignorer les États-Unis, mais nous devons aussi bâtir notre indépendance économique sans dépendre de ce type de dirigeants. »

Plus récemment, au cours de sa campagne en 2024, Trump a tenu des propos controversés en affirmant que les Haïtiens auraient volé et mangé des chats dans l’Ohio, des propos amplifiés par son fils ainsi que le milliardaire et PDG de Twitter (X), qui avaient alors alimenté ces préjugés stigmatisants. Trump a également affirmé qu’il renverrait tous les Haïtiens entrés illégalement aux États-Unis, y compris ceux protégés par le statut de protection temporaire (TPS) et le programme d’accueil humanitaire de l’administration Biden.

Contributions culturelles
Les immigrants haïtiens et africains enrichissent également la culture américaine, que ce soit par la musique, la cuisine, ou les arts visuels. La cuisine haïtienne et africaine connaît une popularité croissante, et des artistes d’origine haïtienne et africaine sont de plus en plus reconnus dans le cinéma, la musique, et la mode aux États-Unis. Leur influence renforce le multiculturalisme et crée des ponts culturels entre les États-Unis, Haïti, et les pays africains (source : National Endowment for the Arts).

Une Diplomatie qui a Ignoré les Alliés Historiques

En 2018 comme en 2024, les déclarations de Donald Trump avaient choqué non seulement Haïti, mais également de nombreux pays africains. Pour Haïti, qui avait soutenu les États-Unis en vendant des denrées durant la guerre d’indépendance américaine et inspiré des idéaux de liberté, ces mots avaient été perçus comme une gifle à sa contribution historique (source : Archives nationales des États-Unis). Ce manque de respect traduisait, pour beaucoup, une vision froide et utilitaire de la diplomatie sous l’administration Trump.

Le premier mandat de Trump a aussi révélé un désintérêt manifeste pour l’Afrique : il n’a effectué aucune visite officielle sur le continent et a montré peu d’engagement envers ses partenaires africains, là où ses prédécesseurs comme Barack Obama et George W. Bush avaient respectivement visité 7 et 11 pays africains, tissant des liens significatifs (source : U.S. Department of State). Bush et Obama ont été salués pour leurs initiatives en faveur du développement et de la santé en Afrique, tandis que Trump a préféré une diplomatie minimaliste, centrée sur des préoccupations sécuritaires limitées.

Un Nouveau Mandat : Entre Opportunités et Craintes

Ce second mandat suscite à la fois des attentes, de la prudence et du scepticisme. Nombreux sont ceux qui espèrent voir émerger une réorientation de la politique africaine des États-Unis, dans un contexte mondial où le continent africain occupe une position de plus en plus stratégique. La Chine, pour sa part, continue d’étendre son emprise en Afrique par des investissements massifs et des partenariats économiques croissants, redéfinissant les rapports de force régionaux (source : Conseil des affaires étrangères). Face à ce défi, un dialogue renouvelé entre l’Afrique, Haïti et les États-Unis pourrait déboucher sur des collaborations profitables, qu’il s’agisse de commerce, de sécurité ou de transition écologique durable.

Les premières paroles du nouveau locataire de la Maison-Blanche viennent toutefois nourrir autant d’espoir que de crainte :

1.  « Je crois que c’était le plus grand mouvement politique de tous les temps. »
2.  « Nous avons une nouvelle étoile : Elon [Musk]. »
3.  « Je ne me reposerai pas tant que nous n’aurons pas mis en place l’Amérique forte, sûre et prospère que nos enfants méritent et que vous méritez. »
4.  « Je tiens à remercier le peuple américain pour l’honneur extraordinaire qu’il m’a fait en m’élisant comme 47e et 45e président. Cela va réellement être l’âge d’or de l’Amérique. »
5.  « Nous voulons que les gens reviennent, mais il faut qu’ils viennent par des voies légales. »

Ces déclarations, où s’entremêlent ambition nationale et reconnaissance d’acteurs comme Elon Musk, suscitent une question : ce mandat sera-t-il celui de la coopération internationale ou marquera-t-il une nouvelle étape vers un nationalisme plus affirmé ?

Haïti et l’Afrique : Le Poids de l’Histoire et des Espoirs Inassouvis

Pour Haïti, un pays qui a marqué l’histoire en réalisant le premier grand acte de rébellion contre l’esclavage, la question du respect et de la reconnaissance est essentielle. Avec son rôle symbolique dans la lutte pour la liberté, Haïti avait également contribué concrètement à l’indépendance américaine en accordant aux États-Unis un prêt de 300 000 francs-or, une somme importante à l’époque (source : Archives nationales françaises). Trump a désormais l’opportunité de restaurer cette relation en reconnaissant les contributions historiques d’Haïti et en réévaluant ses relations avec l’Afrique. Les questions de coopération sécuritaire, notamment dans la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest, ainsi que les défis économiques restent des domaines clés.

Réparation ou Nouveau Fardeau pour l’Héritage Américain ?

Ce deuxième mandat représente une occasion unique pour Donald Trump de dépasser les polémiques et de construire un pont solide avec des nations fières de leur héritage et de leur histoire. Pour l’Afrique et Haïti, le choix de Trump pourrait déterminer si cette relation se développera dans un esprit de respect et de coopération, ou si elle sera reléguée, encore une fois, au second plan de l’agenda américain. Si l’on considère cette déclaration de Trump : « Je ne me reposerai pas tant que nous n’aurons pas mis en place l’Amérique forte, sûre et prospère que nos enfants méritent et que vous méritez », on peut y voir un écho à la doctrine de Monroe, « L’Amérique aux Américains ». Cela souligne que sa priorité demeure avant tout les États-Unis (source : discours de Monroe, 1823). Désormais, il revient aux Africains et spécialement aux dirigeants haïtiens de prendre en main le destin de leurs peuples, de cesser les luttes intestines pour le pouvoir et de reconnaître, avec courage, les faiblesses et la médiocrité d’une classe politique qui n’a pas su apporter les résultats espérés.

James, un Haïtien de 27 ans vivant à Boston, est pragmatique : « Nous ne pouvons pas dépendre d’une administration qui ne nous respecte pas. Haïti doit se renforcer de l’intérieur. » De même, au Sénégal, Fatimata, étudiante à Dakar, exprime son espoir avec réserve : « Nous espérons un changement dans les relations avec les États-Unis, mais nous devons aussi bâtir sur nos propres ressources. »

Le monde observe, et l’espoir d’un dialogue renouvelé demeure, mais avec une prudence teintée de mémoire et d’histoire.

Jean Pierre Styve/ Fouye Rasin Nou( FRN)

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