Haïti, 12 janvier 2010 : Une tragédie gravée dans la mémoire collective et un échec amer de la reconstruction

Le 12 janvier 2010, à 16h53, Haïti a été frappée par l’un des tremblements de terre les plus meurtriers de l’histoire.

Le 12 janvier 2010, à 16h53, Haïti a été frappée par l’un des tremblements de terre les plus meurtriers de l’histoire. Un séisme de magnitude 7 a dévasté Port-au-Prince, la capitale, ainsi que Jacmel et plusieurs autres villes du sud du pays. En quelques secondes, des centaines de milliers de vies ont été anéanties : plus de 200 000 morts, 300 000 blessés et 1,5 million de sans-abris. Ces chiffres glaçants illustrent l’ampleur de la catastrophe, mais ne racontent pas toute l’histoire. Ce jour-là, Haïti n’a pas seulement tremblé sous la puissance de la terre. Elle a aussi vu ses faiblesses institutionnelles, structurelles et sociales s’exposer de manière brutale.

Un séisme, mais aussi une catastrophe humaine et institutionnelle

La violence du séisme est indiscutable, mais ce n’est pas seulement la nature qui a provoqué un tel drame. Les bâtiments qui se sont effondrés étaient, pour la plupart, des structures fragiles, construites sans respecter les normes parasismiques. Beaucoup d’entre eux étaient faits de béton de mauvaise qualité, sans armature métallique pour stabiliser les murs. Cela a transformé chaque maison, école, hôpital et bureau en piège mortel.

À titre d’exemple, environ 60 % des bâtiments de Port-au-Prince ont été détruits ou gravement endommagés, y compris des infrastructures stratégiques comme le Palais National, l’Hôpital Général et le siège de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Cette dernière a vu son quartier général s’effondrer, tuant 102 membres du personnel, un des bilans les plus lourds pour les Nations Unies dans une seule journée.

Déclaration de Jean-Max Bellerive, Premier ministre d’Haïti à l’époque :
“Nous étions totalement dépassés par l’ampleur des dégâts. Le gouvernement lui-même était paralysé. Beaucoup de nos fonctionnaires étaient portés disparus, et les institutions ont été réduites à néant.” Ces mots résument le chaos total qui a suivi la catastrophe, amplifié par le manque de préparation.

L’argent pour la reconstruction : des milliards de dollars, mais peu de résultats

Dans les mois qui ont suivi la catastrophe, une vague de solidarité internationale s’est levée. Environ 13,5 milliards de dollars ont été promis pour la reconstruction par des gouvernements étrangers, des ONG, des institutions internationales et des citoyens ordinaires du monde entier. La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) a été créée pour coordonner ces efforts, sous la direction conjointe du président haïtien René Préval et de Bill Clinton, ancien président des États-Unis.

Cependant, l’enthousiasme initial a rapidement laissé place à la déception. Bien que des fonds massifs aient été collectés, très peu ont été utilisés de manière tangible pour améliorer la vie des Haïtiens. Selon un rapport de l’organisation Oxfam, seuls 2 % des fonds promis ont été directement alloués aux institutions haïtiennes, le reste ayant été géré par des agences étrangères ou détourné pour financer d’autres priorités.

Déclaration de Mirlande Manigat, figure politique haïtienne :
“On nous a promis une reconstruction durable. Au lieu de cela, nous avons vu des camps temporaires devenir permanents et des fonds disparaître dans des projets sans impact réel sur le terrain.”

Les logements promis pour reloger les sans-abris se sont avérés insuffisants, et la plupart des personnes déplacées ont continué à vivre dans des camps de fortune pendant des années. En 2023, il a été estimé que près de 20 000 personnes vivaient encore dans des abris temporaires, malgré la promesse d’une reconstruction durable.

Des accusations de détournement de fonds et de mauvaise gestion ont émergé. Certains ont accusé Bill Clinton et d’autres responsables internationaux d’avoir utilisé les fonds de manière inappropriée, privilégiant des projets superficiels ou politiquement avantageux plutôt que des solutions concrètes et durables. Sous la présidence de René Préval, peu de décisions stratégiques ont été prises pour garantir un suivi rigoureux des projets, et le manque de transparence a alimenté le sentiment d’abandon chez les Haïtiens.

Déclaration de Bill Clinton en 2013 :
“Si nous avons échoué à répondre aux attentes, c’est parce que les systèmes en place étaient trop fragmentés. Nous avons fait des erreurs, mais il n’est pas trop tard pour les corriger.” Malgré cette reconnaissance, beaucoup de Haïtiens estiment que ces erreurs n’ont jamais été rectifiées.


Une reconstruction qui n’a jamais eu lieu

Aujourd’hui, 15 ans après le séisme, le bilan de la reconstruction est accablant. Là où des quartiers entiers ont été rasés, peu de choses ont été rebâties. Les infrastructures publiques, comme les écoles, les hôpitaux et les routes, sont encore insuffisantes ou inexistantes dans certaines zones. Plus troublant encore, les normes de construction n’ont pas été révisées à grande échelle. Les bâtiments qui ont été reconstruits après 2010 le sont souvent sans respect des normes parasismiques, exposant à nouveau des millions de personnes à des risques en cas de nouveaux tremblements de terre.

Déclaration d’un survivant du séisme, François Pierre-Louis :
“Ce n’est pas la nature qui nous tue, ce sont nos choix. Si on construit sans respect des normes, c’est comme enterrer les gens vivants avant même que le prochain tremblement de terre ne frappe.”

En 2021, lorsque le sud d’Haïti a été frappé par un autre séisme, cette fois de magnitude 7,2, les mêmes faiblesses ont refait surface : des constructions fragiles, des infrastructures inadéquates, et un gouvernement incapable de répondre efficacement. Cela démontre que les leçons de 2010 n’ont pas été retenues.

Un cri d’alarme pour l’avenir

Se souvenir du 12 janvier 2010, c’est bien plus qu’un acte de mémoire. C’est un appel urgent à agir. Nous devons tirer des leçons de ce drame pour éviter que de telles pertes humaines ne se reproduisent. Il est impératif de mettre en place des normes de construction strictes, de former nos ingénieurs et ouvriers, et de renforcer les institutions locales pour qu’elles puissent répondre efficacement aux catastrophes futures.

Déclaration du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, en 2010 :
“Ce n’est pas seulement reconstruire Haïti, c’est reconstruire l’espoir d’une nation plus résiliente, plus forte, et plus digne.”

Cet espoir, pourtant, reste fragile. Pour qu’il devienne réalité, un engagement sincère est nécessaire, non seulement des autorités haïtiennes, mais aussi de la communauté internationale. Ce n’est qu’en travaillant ensemble, dans une logique de respect mutuel et de responsabilité, que nous pourrons honorer la mémoire des victimes et offrir un avenir plus sûr aux générations futures.

En ce 12 janvier, souvenons-nous des vies perdues et des promesses non tenues. Que cette date reste gravée dans nos mémoires, non pas seulement comme un rappel de notre vulnérabilité, mais comme un cri d’espoir et de résilience. Haïti mérite mieux. Et il n’est jamais trop tard pour agir.

Styve Jean-Pierre /Fouye Rasin Nou(FRN)

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