L’histoire d’Haïti, écrite dans le sang des opprimés et la quête d’émancipation, est marquée par le courage indomptable d’un peuple qui, mené par Jean-Jacques Dessalines, a brisé les chaînes de l’esclavage pour devenir la Première Nation noire libre du monde. Pourtant, plus de deux siècles après cette glorieuse indépendance, Haïti se retrouve piégée dans un cycle tragique de violence, de précarité et de dépendance imposée. Aujourd’hui, à mesure que l’insécurité s’aggrave, une question résonne avec force : le peuple haïtien est-il délibérément trompé, manipulé pour servir des intérêts extérieurs ? Le chaos d’Haïti répond-il à un agenda précis ?
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!Une situation sécuritaire hors de contrôle
La réalité en Haïti dépasse de loin une simple crise sécuritaire. Il s’agit d’une véritable guerre urbaine où les gangs Haïtiens terrorisent leurs frères et sœurs dans une violence et une amertume quotidiennes. Des gangs armés jusqu’aux dents qui contrôlent de larges portions du territoire national terrorisent la population. Un rapport du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) révèle, au 30 octobre 2024, un bilan tragique pour le troisième trimestre de l’année : de juillet à septembre, 1 223 personnes ont été tuées, 522 blessées et 170 kidnappées, dont 59 enfants. La violence continue de ravager le pays, plongeant la population dans la peur et l’incertitude. Ces chiffres témoignent d’un niveau de violence extrême contre lequel les 9 000 agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) ne peuvent pas lutter efficacement, étant insuffisamment formés et équipés pour faire face à des groupes paramilitaires lourdement armés.
Une hypocrisie flagrante dans l’embargo sur les armes
Une des plus grandes hypocrisies réside dans le fait que, bien qu’Haïti soit soumise à un embargo sur les armes depuis 1991, imposé sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide après son renversement par un coup d’État militaire, la majorité des armes utilisées par les gangs proviennent des États-Unis ou transitent par la République dominicaine. Le flot d’armes qui alimente la violence en Haïti trouve ses racines aux États-Unis, où les armes circulent avec une inquiétante liberté avant d’être introduites en contrebande en Haïti. Comment un pays comme les États-Unis, qui ordonne un embargo sur les armes à Haïti, n’a-t-il pas réussi (ou voulu) endiguer cette exportation illicite qui alimente la violence ? Cette situation soulève un paradoxe troublant, laissant penser que l’embargo semble viser davantage à maintenir Haïti désarmée alors que dans le même temps les gangs cèdent à des armements sophistiqués.
Un embargo qui désavantage les forces légitimes
L’impact de cet embargo est accablant : moins de 30 % des policiers haïtiens sont armés de manière adéquate pour faire face aux gangs, tandis que les armes et munitions disponibles dans les dépôts de la PNH sont insuffisantes pour soutenir des opérations d’envergure. Alors que les gangs disposent de fusils d’assaut et de lance-roquettes, les agents de la PNH doivent souvent compter sur des armes de poing et du matériel obsolète. Cette disparité se traduit par un taux de succès inférieur à 15 % lors des opérations menées contre ces groupes armés, ce qui reflète la faiblesse forcée des autorités légitimes du pays.
Une réponse internationale inadaptée et insuffisante
La communauté internationale, bien consciente de l’ampleur de la crise, persiste dans une réponse qui semble superficielle. Au lieu d’envisager une intervention militaire robuste pour soutenir un État en déroute, les puissances mondiales optent pour une approche policière, confiant la sécurité à la PNH, sous-équipée et dépassée. Pourquoi une force de maintien de la paix digne de ce nom n’a-t-elle pas été envoyée ? Pourquoi persiste-t-on à refuser à Haïti les ressources nécessaires pour affronter cette violence armée ? Pour endiguer la violence avec la prolifération des gangs, il faudrait l’utilisation d’armes spécialisées et de matériels adaptés qui sont en principe destinés aux soldats de l’armée. Cependant, bien qu’elle soit consciente de la réalité et des réels besoins, la communauté internationale persiste dans le choix d’une mission policière en Haïti tout en sachant que les policiers ne sont pas habilités à utiliser ces armes ! C’est donc l’illusion d’un soutien militaire : une farce pour le peuple haïtien.
Une force multinationale, miroir du non-respect d’Haïti dans le monde
La décision de l’envoi de la force multinationale en octobre 2023 avait suscité de l’espoir, mais celui-ci fut rapidement éteint par la réalité des faits. Le déploiement de cette force est resté symbolique, voire insultant : le Belize n’a envoyé que deux agents de police, tandis que la Jamaïque en a dépêché moins de 15. Face aux milliers de vies en péril, une telle « aide » semble ridicule. Elle donne l’impression d’un geste cosmétique, destiné à apaiser les consciences internationales plutôt qu’à résoudre la crise. Cette attitude, qui frise le mépris, ne fait que renforcer la suspicion d’une stratégie visant à donner l’illusion d’une aide sans pour autant apporter de solutions significatives.
La trahison des dirigeants haïtiens
Certains politiciens haïtiens eux-mêmes sont complices de cette mascarade. Au lieu de se concentrer sur le développement de stratégies solides et de plans viables pour la sécurité et la prospérité du pays, ils se disputent pour des intérêts personnels, laissant ainsi le peuple se débattre dans le chaos. Pire encore, une grande majorité d’entre eux sont en connivence avec la communauté internationale, acceptant sans réserve l’ordre mondial qui, en retour, ne leur offre que peu de respect. « Kabrit toujou gade je mèt kay li anvan li antre » dit le proverbe. Mais nos leaders, eux, ont depuis longtemps détourné le regard. En se soumettant à la volonté des puissances étrangères sans exiger de contrepartie réelle, ils trahissent les aspirations du peuple haïtien et acceptent de figurer dans un triste théâtre où le peuple est le seul véritable perdant.
Une manipulation orchestrée au nom de la stabilité ?
Le tableau qui se dessine est sombre. Haïti, en proie à une violence incontrôlée, est empêchée d’obtenir l’aide nécessaire pour restaurer sa sécurité. Le refus d’une assistance militaire adéquate, le contrôle des alliances diplomatiques et une réponse symbolique qui frôle l’indifférence paraissent faire partie d’une stratégie délibérée visant à maintenir le pays dans une instabilité chronique. Le peuple haïtien, jadis libéré par Dessalines, est-il à nouveau piégé dans une servitude moderne, tenue par les fils invisibles des intérêts géopolitiques et économiques ?
Un appel à la dignité et à la liberté pour Haïti
Le peuple haïtien, qui a un jour arraché sa liberté des mains des plus grandes puissances coloniales, se trouve aujourd’hui enchaîné par des formes plus subtiles de domination validée par son élite politique avide de pouvoir. Pourtant, Haïti est un pays résilient, fier de son héritage de lutte pour la liberté. Les Haïtiens demandent non seulement une assistance concrète, mais aussi le respect de leur dignité et de leur souveraineté.
Les décisions concernant l’avenir d’Haïti devraient être prises en premier lieu par les Haïtiens eux-mêmes, dans l’intérêt de la nation et non des stratégies diplomatiques des grandes puissances. Le peuple haïtien ne mérite pas seulement de la compassion ; il mérite une écoute véritable et un partenariat basé sur le respect, la transparence et la volonté de bâtir un avenir stable et durable.
La question est simple : est-on prêt à soutenir réellement Haïti, ou préfère-t-on garder un pays prisonnier d’un jeu politique qui ne lui apporte ni paix, ni justice, ni avenir ?
Jean Pierre Styve/ Fouye Rasin Nou( FRN)