Opinion : Être sans-gêne, les politiciens haïtiens l’ont dans les gènes/Quand les dons deviennent des spectacles

Le jeudi 29 août 2024, le Premier ministre Garry Conille a reçu un don de 400 lots d’équipements pour la police et les forces armées d’Haïti des mains de M. Richard Wen-Jiann Ku, ambassadeur de Taïwan en Haïti. La photo du Premier ministre posant avec un gilet pare-balles floqué du drapeau haïtien a fait l’objet de vives critiques de plusieurs internautes et observateurs qui y ont vu une insulte, un manque de gêne. Cependant, cet événement n’est pas un cas isolé et semble plutôt s’inscrire dans une tradition des 10 dernières années. Florilège d’un classique « made in les politiciens haïtiens ».

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Depuis ce jeudi, le Premier ministre Garry Conille est sous les feux des critiques pour sa photo avec l’ambassadeur de Taïwan suite au don de 400 kits d’équipements destinés aux forces de l’ordre. Plus d’un estiment que le Premier ministre aurait dû laisser le soin à un directeur départemental ou au directeur général de la police de récupérer ce don de matériels de moindre importance et de faire les photos d’usage. Une volonté d’être sous les feux des projecteurs qui passe mal dans l’opinion, qui qualifie cette attitude de « sans-gêne ». Mais, si on fait un retour dans le temps, les politiques haïtiens ne sont pas à leur premier coup d’essai en la matière. C’est devenu une grande tradition au cours des dernières années.

En effet, au mois de mai 2023, le directeur général a.i. de la police nationale d’Haïti de l’époque, M. Frantz Elbé, posait fièrement auprès des 17 motocyclettes de marque Boxer livrées par l’ambassadeur français, Fabrice Mauries. Ce dernier a tenu à souligner que c’était la direction générale de la PNH qui avait elle-même fait la demande. Rappelons qu’à l’époque, la motocyclette se revendait en Haïti au prix de 1000 dollars américains, ce qui évalue ce don de la France au gouvernement haïtien à 17 000 dollars américains au maximum ! Gênant, mais pas trop pour le directeur général d’alors !

Au cours de la même année, soit le 16 novembre 2023, les Haïtiens ont été choqués de voir le Premier ministre Ariel Henry presque se prosterner devant le prince saoudien Mohamed Bin Salman, un geste qu’il a récidivé plus tard avec le président américain Joe Biden alors qu’en principe, en tant que chef d’État souverain, les personnalités précitées ne lui sont pas supérieures en termes de rang.

Par ailleurs, en 2022, soit le 20 avril, l’ambassadeur de Taïwan, Richard Wen-Jiann Ku, avait fait don de 1500 ballons au ministère des Sports pour les jeux interscolaires dont la valeur était estimée à moins de 10 000 dollars américains. En guise de remerciements, la ministre d’alors, Raymonde Rival, a non seulement posé fièrement avec un ballon de football mais a aussi organisé une grande cérémonie pour cette « généreuse contribution ». Imaginez le coût de la cérémonie !

En mars 2020, la ministre de la santé publique, Marie Gretta Roy Clément, a reçu son lot de critiques méritées pour sa photo tenant un seau (bokit dlo) avec la représentante de l’Unicef, Maria Luisa Fornara. La ministre s’était déclarée contente de recevoir le don de 1000 seaux et 10 000 morceaux de savon de l’Unicef pour lutter contre la Covid-19 ! Embarrassant.

Pour finir, en 2018, le député Caleb Desrameaux avait posté fièrement sur son compte Facebook une photo de l’inauguration d’une pompe à eau manuelle dans la commune de Tabarre ! Une pompe à eau par un député ? Un projet rachitique qu’il n’a pas manqué de vanter. Dans la même veine, au mois d’avril 2018, le PM Jack Guy Lafontant, les sénateurs Onondieu Louis, Kedlaire Augustin, le député Asthène Jean ainsi que la ministre du Tourisme, Colombé Emilie Jessy Menos, s’étaient rendus à l’inauguration du petit débarcadère de Port-Vincent de Cayenne, une localité de l’île de la Tortue. Pour cet événement de faible ampleur, l’impressionnante délégation était arrivée par 4 hélicoptères. Rien que cela.

Tous ces faits mettent en lumière un problème de gêne des dirigeants haïtiens qui cherchent à tout prix à se mettre en lumière par tous les moyens, même au risque de se faire ridiculiser. Certains en arrivent même à oublier leur rang et le prestige qui l’accompagne.

Dans un pays au passé si glorieux, voir des dirigeants répéter des actes qui entachent le prestige de leur fonction, on est en droit de se demander si être sans-gêne n’est pas finalement dans les gènes de la nouvelle génération de politiciens haïtiens.

Domond Willington / 🌴Fouye Rasin Nou (FRN)🇭🇹

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