Haïti en Quête de Talents : Les Conséquences Économiques de l’Exode des Cerveaux.

L’émigration des compétences, couramment appelée la « fuite des cerveaux », est une problématique croissante qui suscite des préoccupations mondiales. Ce terme désigne le phénomène par lequel des personnes hautement qualifiées et talentueuses quittent leur pays d’origine pour chercher de nouvelles opportunités dans d’autres nations, créant ainsi un manque notable de compétences et de connaissances dans le pays qu’elles ont quitté. Haïti, comme beaucoup d’autres pays, est durement touchée par ce défi considérable, qui a des répercussions économiques significatives et présente des défis importants pour l’adaptation de ces individus dans leur pays d’accueil.

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Haïti fait face à une préoccupation majeure liée à l’émigration des compétences et de la main-d’œuvre qualifiée. De nombreux jeunes Haïtiens talentueux, qui pourraient contribuer positivement à l’économie du pays, décident de partir chercher de nouvelles opportunités à l’étranger. Selon une étude réalisée par l’OCDE en 2007, près de 83% des diplômés haïtiens vivent à l’étranger. Cette situation a des conséquences substantielles sur le développement économique et social d’Haïti.

Il est important de noter que la migration haïtienne a commencé au 19ᵉ siècle avec des mouvements saisonniers vers Cuba, puis s’est étendue aux Bahamas, à Miami, à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Guyane et à la République Dominicaine. Motivés par des raisons économiques et politiques, telles que la crise sucrière des années 1930, la ratification de la Convention de Genève en 1967, le développement du marché du travail aux Antilles françaises et la dictature duvaliériste, de nombreux Haïtiens se déplacent, notamment vers l’industrie de la canne à sucre en République Dominicaine. Selon un rapport du PNUD de 2005, environ 416 000 Haïtiens vivaient en République Dominicaine en 2003. Des données plus récentes suggèrent qu’entre 500 000 et un million de Haïtiens y résideraient actuellement. Cependant, ils font également face à une discrimination fondée sur l’origine ethnique, la langue et la nationalité, ainsi qu’une discrimination touchant même les Dominicains d’origine haïtienne.

La fuite des cerveaux a un impact dévastateur sur l’économie haïtienne. Selon une étude du FMI de 2019, les pertes économiques dues à la fuite des cerveaux dans les pays en développement peuvent atteindre jusqu’à 2% du PIB. En outre, la Banque mondiale note que cette migration entraîne une perte de potentiel entrepreneurial, se traduisant par une réduction des investissements locaux et limitant le développement économique du pays.

D’autres défis se présentent avec l’augmentation de la dépendance économique et l’insécurité croissante. Les jeunes partis à l’étranger sont souvent une source de soutien financier pour leur famille restée en Haïti. Une étude de la Banque Interaméricaine de Développement de 2018 sur « Les envois de fonds en Haïti » indique que cette dépendance limite l’autonomie économique des familles restantes. De plus, selon le Directeur Général de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Ronald Gabriel, l’insécurité a eu un impact important sur le secteur financier du pays entre 2022 et 2023, avec une perte de personnel de 12,78 %, principalement due à l’émigration, qui a touché 30% des 626 employés ayant quitté leur poste durant cette période. Face à ce défi, les institutions ont lancé des campagnes de recrutement axées sur les jeunes de 25 à 34 ans.

La fuite des cerveaux soulève également des questions essentielles sur le développement durable du pays. Le départ massif de professionnels qualifiés entraîne une érosion des ressources humaines nécessaires à la croissance économique, à l’amélioration des infrastructures, et à l’innovation. De plus, la migration continue de ces talents vers l’étranger accentue la dépendance d’Haïti aux aides internationales et réduit sa capacité à construire des institutions solides et autonomes.

Cette situation interpelle également sur le plan social et éducatif. Les universités et institutions d’enseignement supérieur haïtiennes investissent dans la formation de jeunes talents qui, une fois diplômés, cherchent à s’épanouir professionnellement à l’étranger, privant ainsi le pays des bénéfices attendus de cet investissement éducatif. En l’absence de politiques incitatives pour retenir ces compétences, le cercle vicieux de la fuite des cerveaux persiste.

Pour remédier à la fuite des cerveaux, plusieurs mesures doivent être envisagées. Premièrement, il est crucial que l’État haïtien développe des politiques incitatives pour encourager le retour des talents expatriés, en leur offrant des opportunités de carrière compétitives, des incitations fiscales, et un environnement économique stable.

De plus, la diaspora haïtienne, qui représente une ressource précieuse, pourrait jouer un rôle clé dans le développement du pays. En créant des ponts entre les talents à l’étranger et ceux restés en Haïti, des initiatives de transfert de connaissances, de mentorat, et de développement d’entreprises peuvent être mises en place pour stimuler l’économie locale.

En revanche, quelles mesures l’État haïtien et les institutions financières haïtiennes ont-elles pu prendre pour faire face à cette crise de main-d’œuvre ? Il est impératif que les autorités haïtiennes, en collaboration avec les acteurs de la société civile et la diaspora, élaborent des stratégies concertées pour enrayer cette hémorragie des compétences. Le développement d’une économie résiliente et durable repose sur la capacité d’Haïti à retenir ses talents, à les motiver à rester et à contribuer activement à la renaissance de leur pays.

Jean-Pierre Styve/
🌴FOUYE RASIN NOU (FRN)🇭🇹🐚

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