Les transferts de fonds internationaux dépassent le budget national:Analyse d’une anomalie haïtienne.

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L’économie haïtienne est aujourd’hui gravement compromise par une dépendance accrue aux transferts de fonds internationaux. Cette réalité, loin d’être simplement un fait économique, constitue le symptôme alarmant d’une défaillance systémique de l’État haïtien à assumer ses responsabilités fondamentales envers sa population. En 2023, les transferts de la diaspora ont dépassé le budget national avec un écart significatif, révélant ainsi l’incapacité du gouvernement à gérer une économie autonome et viable.

Analyse des chiffres : Une économie sous assistance financière.

Le budget rectificatif pour l’exercice 2023-2024, selon l’économiste Kesner Pharel, a été drastiquement réduit. Le montant initial de 320,6 milliards de gourdes a été amputé de 65,8 milliards, soit une réduction de 20,5 %, pour atteindre 254,8 milliards de gourdes. Les principaux bénéficiaires de ce budget sont le MENFP (34,32 milliards), le MJSP (27,18 milliards), le MTPTC (25,52 milliards) et le service de la Dette Publique (23,60 milliards). Pendant ce temps, les transferts internationaux, principalement en provenance des États-Unis (62,8 %), du Canada (10,6 %) et du Chili (7,2 %), continuent d’affluer dans l’économie haïtienne, représentant une manne financière bien supérieure à ce que l’État peut offrir à ses citoyens. En 2023, selon les estimations, la diaspora haïtienne a envoyé près de 3,6 milliards de dollars américains, soit environ 40 % du PIB national. Cette situation soulève une question fondamentale : comment un État peut-il prétendre être souverain lorsque son budget national est si nettement inférieur aux fonds envoyés par sa diaspora ? (Kanpay HT, Infographie sur l’origine des transferts d’argent arrivant en Haïti (2023)).

Inégalités dans la répartition

La distribution géographique des transferts d’argent montre une concentration écrasante dans l’Ouest du pays, où Port-au-Prince et ses environs accaparent 61,6 % des fonds envoyés. Cette inégalité régionale fait écho à la centralisation excessive du pouvoir et des ressources, laissant les régions périphériques dans une pauvreté abjecte. Comme le pouvoir, les transferts de fonds sont concentrés dans le département de l’Ouest. Les départements du Nord et de l’Artibonite, par exemple, ne reçoivent respectivement que 5,8 % et 11,4 % des fonds (Kanpay HT, Infographie sur la répartition géographique des transferts d’argent en Haïti (2023)).

Transferts de fonds : Un miroir des défaillances économiques

Les transferts de fonds, bien qu’ils constituent une bouée de sauvetage pour les familles haïtiennes, ne font que masquer temporairement les profondes failles de l’économie nationale. Ces flux d’argent, gérés principalement par des canaux formels comme les services de transfert d’argent, témoignent de l’incapacité des autorités haïtiennes à créer des infrastructures économiques viables. Pire encore, une partie importante de ces transferts passe par des circuits informels, échappant ainsi à tout contrôle ou taxation, privant l’État de ressources fiscales cruciales et exacerbant la fragilité économique du pays. En 2023, environ 25 % des transferts internationaux auraient échappé aux circuits formels, privant l’État de plus de 100 millions de dollars en recettes fiscales potentielles.

L’éducation en péril : Une ressource mal exploitée

En dépit de cette situation, l’État haïtien perçoit 1,50 USD sur chaque transfert international, un montant qui, en théorie, devrait être destiné à l’investissement direct dans l’éducation. Cependant, force est de constater que cet engagement n’a pas été respecté. L’éducation en Haïti continue de se détériorer, les écoles manquent d’infrastructures de base, et la qualité de l’enseignement régresse de jour en jour. Au lieu de voir ces fonds investis pour améliorer l’avenir des jeunes générations, une grande partie semble disparaître dans les poches de corrupteurs au sein de l’État, illustrant une fois de plus l’ampleur de la corruption endémique qui gangrène les institutions haïtiennes. En témoigne le scandale révélé au FNE (Fonds National d’Éducation), où des employés perçoivent des salaires exorbitants, tandis que les enseignants sont sous-payés.

Scénarios prospectifs : Le futur économique d’Haïti

Le recours régulier aux transferts internationaux, en particulier lors des crises ou des catastrophes naturelles, est un signal d’alarme pour la société haïtienne. Cette dépendance chronique expose Haïti à des risques économiques majeurs. Que se passerait-il si ces flux d’argent venaient à diminuer ou à cesser ? L’État haïtien, déjà en situation de quasi-faillite, serait-il capable de répondre aux besoins de sa population sans l’aide extérieure ? Il est impératif que le gouvernement haïtien commence à explorer des scénarios alternatifs pour réduire cette dépendance. La diversification économique, la valorisation des ressources naturelles, et la promotion de l’entrepreneuriat local sont autant de pistes à explorer pour créer une économie plus résiliente.

Le chemin vers une économie souveraine.

Le fait que la diaspora soit contrainte d’envoyer des sommes colossales en Haïti pour subvenir aux besoins de base de leurs familles est une preuve de la décadence de l’État haïtien. Cela soulève la question : pourquoi un pays doté de tant de ressources naturelles et humaines en est-il réduit à dépendre de l’aide de sa propre diaspora ? Pour certains, la réponse est claire : la mauvaise gouvernance, la corruption endémique, et l’absence de vision stratégique pour le développement national ont conduit à cette situation intenable.

En conclusion, les transferts internationaux, bien qu’ils soient une bénédiction pour les familles, sont le reflet d’un mal profond qui ronge la société haïtienne. Ils témoignent de la faillite de l’État et de l’incapacité de ses dirigeants à construire un pays capable de se soutenir par ses propres moyens. Tant que cette dépendance persistera, Haïti restera un État fragile, incapable de véritablement se développer et de garantir un avenir meilleur à ses citoyens. Il est temps que l’État haïtien cesse de compter sur la diaspora pour remplir les fonctions qu’il devrait assumer lui-même, et commence enfin à construire une économie capable de subvenir aux besoins de la nation.
Styve Jean-Pierre/ 🌴FOUYE RASIN NOU(FRN)🇭🇹🐚

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