Quand la dignité du peuple haïtien est sacrifiée sur l’autel des intérêts politiques

En Haïti, la dignité des citoyens est trop souvent sacrifiée au profit d’intérêts politiques égoïstes. Malgré une population fière et résiliente, l’aide humanitaire et d’autres formes d’assistance sont devenues des instruments de manipulation politique cynique visant à maintenir la population dans un état de mendicité et d’humiliation. Les dirigeants haïtiens sans scrupules prennent plaisir à réduire la dignité des Haïtiens à la distribution de plats chauds et de kits alimentaires. Une pratique indigne !

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Des chiffres révélateurs d’une crise profonde

Selon la Banque mondiale, environ 60 % des Haïtiens vivent sous le seuil de pauvreté et 24 % en situation d’extrême précarité. Dans ce contexte, il est compréhensible que les plus vulnérables soient réceptifs à l’aide alimentaire distribuée sporadiquement. Toutefois, cette assistance, au lieu d’être une réponse humanitaire coordonnée, est fréquemment orchestrée par des politiciens ou des leaders locaux cherchant à acheter des soutiens électoraux.

On se souvient que lors des campagnes électorales de 2015, plusieurs rapports ont révélé que des partis politiques distribuaient nourriture et biens de première nécessité dans les zones rurales et urbaines défavorisées, sous couvert de bienveillance. Ces distributions, accompagnées de promesses creuses de réformes économiques, cachaient des incitations implicites et explicites à voter pour ces politiciens. Les bénéficiaires, souvent trop désespérés pour refuser cette “aide”, se retrouvent ainsi otages d’un système corrompu.

La situation en 2024 : l’hémorragie persiste

Si nous considérons la situation actuelle, le dernier rapport du Programme Alimentaire Mondial (PAM) a signalé une hausse alarmante du coût du panier alimentaire, ayant augmenté de 27 % entre janvier et mai 2024, forçant les familles aux ressources déjà limitées à dépenser davantage pour se nourrir. À Port-au-Prince, 61 % des ménages ont vu leurs revenus chuter, dont 46 % avec une perte de plus de la moitié de leurs gains, conséquence directe de l’insécurité, du chômage et des contraintes économiques.

Face à cette crise, 80 % des foyers adoptent des mesures extrêmes, telles que réduire le nombre de repas quotidiens et sacrifier la consommation des adultes pour nourrir les enfants. Cette réalité tragique illustre non seulement l’échec des politiques publiques, mais aussi l’incapacité des dirigeants à garantir les conditions minimales d’une vie digne voire à proposer des alternatives de soutien durable aux nécessiteux.

Un exemple flagrant parmi tant d’autres

Un exemple révélateur de cette instrumentalisation est la récente situation de déportation des Haïtiens par Luis Abinader et exploitée par Garry Conille. Le Premier ministre du gouvernement de transition haïtien et Luis Abinader, président de la République dominicaine, se retrouvent au cœur d’une stratégie où la détresse des migrants haïtiens déportés sert de levier politique. Le 20 octobre 2024, une délégation du gouvernement de transition de Conille s’est rendue au camp de Belladère, dans le Centre, pour porter assistance aux migrants haïtiens rapatriés de la République dominicaine.

À cette occasion, des sacs de riz marqués du sceau officiel du gouvernement ont été distribués via le Ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST) et le Fonds d’Assistance économique et sociale (FAES), mêlant ainsi aide humanitaire et promotion politique. « Le gouvernement répond aux besoins urgents de la population » (gouvènman pote kichòy pou sa ki nan bezwen yo), pouvait-on lire sur les sacs, démontrant l’utilisation de l’assistance pour diffuser un message politique.

Ces pratiques ne sont pas nouvelles. C’est même LA PRATIQUE PRÉFÉRÉE des dirigeants haïtiens qui tendent à réduire la dignité des Haïtiens en situation de besoins et à leur offrir des plats chauds ou des kits alimentaires, les traitant comme des éternels sinistrés. Au lieu de mettre en place des mécanismes pouvant protéger leur dignité tout en les aidant, sénateurs, députés, présidents et autres membres des différents gouvernements profitent de la misère des citoyens pour piétiner leur dignité et faire leur capital politique. Honteux!

Une dépendance fabriquée

Loin de s’arrêter à la distribution de denrées, l’État haïtien, avec le soutien de certains partenaires internationaux, entretient une situation de dépendance permanente. Malgré ses ressources naturelles et son potentiel agricole, Haïti est aujourd’hui l’un des pays les plus tributaires de l’aide internationale. En 2021, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) estimait que 46 % de la population souffrait d’insécurité alimentaire sévère, tandis que les importations de produits alimentaires ont explosé, alors que le pays pourrait en grande partie subvenir à ses besoins si l’agriculture était soutenue adéquatement.

L’instrumentalisation de la pauvreté pour le pouvoir

Le régime PHTK en avait fait une spécialité via des programmes bidon comme « Ede Pèp », « Ti Manman Cheri », « Kore Pèp », etc., au lieu de mettre en place des programmes structurels pour reconstruire l’économie à long terme. Le peuple haïtien, dans sa majorité, a vu sa dignité piétinée en se laissant prendre en photos avec des plats chauds, alors que les fonds qui pouvaient réellement les aider à sortir de la pauvreté ont été dilapidés.

Garry Conille, quant à lui, ne semble pas décidé à rompre avec cette pratique et continue dans la même veine en voulant instrumentaliser les problèmes des plus démunis à des fins politiciennes.

Un peuple en quête de dignité

Face à cette réalité, une question cruciale se pose : comment sortir de ce cycle infernal ? Les Haïtiens ne veulent pas se contenter de quémander de l’aide. Ils réclament des opportunités économiques, des infrastructures, ainsi que des systèmes de santé et d’éducation fonctionnels leur permettant de vivre dignement.

Bien que des initiatives locales existent, elles sont souvent ignorées ou mal financées. Par exemple, des projets d’agriculture urbaine ou des coopératives de jeunes entrepreneurs peinent à attirer des financements malgré leur potentiel de transformation. Les projets de développement, qu’ils soient issus de l’État ou de la communauté internationale, doivent dépasser les solutions à court terme. Il est essentiel de réorienter les efforts vers la construction d’un État capable de répondre aux besoins de sa population, non pas à travers la charité, mais en créant un système permettant à chacun de subvenir à ses besoins de manière autonome.

Une réforme profonde du secteur agricole, par exemple, offrirait aux Haïtiens la possibilité de reprendre en main leur destin économique. Comme l’a si bien dit Leslie François Manigat : « La dignité d’un peuple est à la mesure de sa capacité à décider de son propre avenir. »

Tant que les politiques haïtiennes continueront à sacrifier la dignité de leur peuple sur l’autel des intérêts personnels, la situation ne pourra que se détériorer. Il est urgent de mettre en place des mécanismes de gouvernance transparents, de restaurer la confiance du peuple dans ses institutions et de mettre fin à l’exploitation de la pauvreté à des fins politiques. Haïti ne mérite pas ce destin, et son peuple a le droit de vivre dans la dignité.

Jean-Pierre Styve/ Fouye Rasin Nou( FRN)

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