Trois avions de la flotte présidentielle nigériane ont été saisis en France et en Suisse à la suite d’une décision judiciaire liée à un conflit prolongé entre l’État d’Ogun, dans le sud-ouest du Nigeria, et Zhongshan Fusheng Industrial Investment, une entreprise chinoise. Cette saisie s’inscrit dans un contexte complexe de litiges commerciaux internationaux et soulève d’importantes questions concernant l’arbitrage d’investissements et les obligations des États dans le cadre de traités bilatéraux.
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!En 2010, Zhongshan Fusheng a obtenu un contrat pour développer et gérer une zone franche d’exportation dans l’État d’Ogun, initiative censée stimuler les échanges commerciaux et attirer les investissements étrangers. Cependant, en 2016, l’État d’Ogun a unilatéralement mis fin à ce partenariat, invoquant des irrégularités de la part de Zhongshan. Cette résiliation a entraîné l’expulsion de l’entreprise et de ses cadres du Nigeria, ainsi que la révocation de leurs titres de séjour, ce qui a conduit à des allégations de harcèlement.
Zhongshan Fusheng a par la suite entamé une procédure d’arbitrage contre l’État nigérian, invoquant une violation du Traité bilatéral d’investissement (TBI) signé entre le Nigeria et la Chine en 2001. Les tribunaux d’arbitrage ont statué en faveur de Zhongshan, condamnant le Nigeria à verser 70 millions de dollars en compensation. Malgré des jugements confirmés en appel, l’État nigérian a refusé de se conformer à la décision arbitrale, provoquant la saisie des aéronefs, évalués à environ 100 millions de dollars, alors qu’ils étaient en maintenance en Europe.
La saisie de ces biens d’État soulève plusieurs problématiques juridiques et diplomatiques. D’une part, elle illustre les conséquences de la non-exécution des sentences arbitrales internationales par les États, qui peuvent conduire à des mesures de saisie de biens souverains. D’autre part, cette affaire met en lumière les tensions potentielles entre le respect des décisions arbitrales et la préservation de la souveraineté nationale. Le président nigérian, Bola Ahmed Tinubu, se retrouve dans une position délicate où le refus de se conformer aux obligations internationales pourrait nuire à la réputation du Nigeria en tant qu’acteur fiable sur la scène internationale.
En outre, cette affaire soulève des questions sur les mécanismes de protection des investissements étrangers et les limites de l’arbitrage en tant qu’instrument de résolution des différends. Elle souligne également l’importance d’une gestion rigoureuse des relations bilatérales, en particulier dans le contexte de partenariats stratégiques tels que ceux impliquant des zones franches, qui sont souvent au cœur des politiques de développement économique.
Deux questions essentielles émergent de cette situation. Premièrement, comment le Nigeria pourrait-il renforcer ses mécanismes internes de règlement des différends pour éviter de futures saisies d’actifs souverains à l’étranger, tout en maintenant des relations de confiance avec les investisseurs internationaux ? Deuxièmement, dans quelle mesure cette saisie d’aéronefs pourrait-elle influencer la perception des investisseurs étrangers sur la stabilité juridique et politique du Nigeria, et quelles mesures devraient être prises pour restaurer la confiance internationale ?
En conclusion, cette situation complexe nécessite une analyse approfondie des implications juridiques, économiques et diplomatiques pour le Nigeria. La résolution de ce différend pourrait avoir des répercussions sur les relations internationales du pays, sa réputation en matière d’investissement, et sur l’efficacité des instruments de résolution des litiges commerciaux internationaux.
Jean-Pierre Styve/(FRN)