Jacmel, berceau du génie artistique haïtien, est une ville où chaque rue résonne des échos d’une créativité ancestrale. Au cœur de cette effervescence culturelle, une figure se distingue : Vady Confident, artiste peintre, plasticien marionnettiste et maître du papier-mâché, dont l’œuvre transcende les simples limites de la toile pour se fondre dans l’âme même d’Haïti. Son nom n’est pas qu’un patronyme : il est une déclaration. Confident dans son art, dans son message, dans sa vision du monde.

Pour certains, il est connu sous un autre nom : “Dwèt Kamera”. Ce surnom, empreint de mystère et de fascination, témoigne de son habileté exceptionnelle à capturer l’essence des choses, à figer les âmes sur la toile, à révéler ce que les autres ne voient pas. Son doigté précis, presque magique, transforme chaque coup de pinceau en une image vivante, comme s’il était l’œil d’une caméra divine qui enregistre l’âme d’Haïti.
Un artiste né du feu sacré de Jacmel

Né dans cette ville où l’art coule dans les veines des habitants, Vady Confident n’a pas eu besoin d’un long apprentissage pour comprendre qu’il était voué à créer. Dès l’enfance, la peinture l’obsède, les formes l’interpellent, et les couleurs deviennent son langage. Il ne choisit pas l’art ; c’est l’art qui le réclame.
Loin de se laisser enfermer dans un seul courant, il explore l’abstrait, l’impressionnisme et le réalisme. Mais c’est dans le cubisme qu’il trouve son exutoire ultime. Ses compositions fracturées, où les angles brisent les lignes conventionnelles, ne sont pas de simples exercices de style : elles sont des éclats de réalité recomposés, des reflets d’Haïti en mille morceaux que son pinceau tente de réassembler.
Le papier-mâché : une résurrection de l’âme haïtienne

Mais Vady Confident ne se contente pas de peindre. Son talent s’exprime aussi à travers le papier-mâché, cet art traditionnel jacmélien qui donne vie aux esprits du carnaval. Ses masques ne sont pas de simples accessoires de fête ; ils sont des manifestes culturels, des visages qui racontent des histoires enfouies dans les mémoires collectives.
À travers son atelier, il façonne des figures qui réincarnent non seulement la richesse du folklore haïtien, mais aussi les multiples facettes de la société. Son regard d’artiste ne laisse rien inaperçu : il peint tout, du visible à l’invisible, du beau au tragique.
Le carnaval de Jacmel, où ses créations défilent chaque année, devient une scène où il expose son génie, où l’Haïti mystique, révoltée, joyeuse et résiliente prend forme sous ses doigts habiles.
C’est loin d’être la première fois que Vady Confident impressionne les foules avec ses créations durant le Carnaval de Jacmel. Chaque année, il marque l’événement par une œuvre percutante, à la fois artistique et engagée, qui pousse les spectateurs à réfléchir sur la société haïtienne et ses réalités.
Un dernier jour gras mémorable : “Haïti et son fardeau”

Le 4 mars 2025, lors du dernier jour gras du Carnaval de Jacmel, Vady Confident a marqué les esprits avec une création surprise qui a bouleversé la foule. Personne ne s’attendait à une telle expression artistique, aussi puissante qu’incisive.
Sa nouvelle œuvre en papier-mâché, intitulée “Haïti et son fardeau – Non à l’insécurité”, est un véritable manifeste visuel contre la crise que traverse le pays. On y voit des figures ensanglantées, des victimes de l’insécurité, de la violence et du chaos ambiant. Parmi elles, un journaliste assassiné, des femmes et des enfants fauchés par la brutalité du quotidien haïtien, des armes braquées sur un peuple impuissant.
Vady transforme ainsi la douleur en art et le silence en révolte. Son expression artistique résonne comme un appel puissant face à l’insécurité qui ronge notre société.
À travers cette performance, Vady Confident ne se contente pas de dénoncer. Il confronte, interpelle, secoue les consciences. Il force Haïti à se regarder en face, à voir son propre reflet dans cette œuvre monumentale.
Les mots du peuple devant l’œuvre de Vady Confident

Alors que la parade avançait lentement dans les rues de Jacmel, des voix s’élevaient dans la foule, émues et choquées par la puissance de la création de Vady Confident.
• “Sak fèt la se pa jwet! Yo touye tout espwa nou, yo sakrifye peyi a! Mèsi Vady, pou fè nou sonje sa n’ap viv!” lançait un homme, les larmes aux yeux, face à la scène macabre représentée par les figures en papier-mâché.
• “Nou bouke! Se pou tout moun ka wè ki jan nou ap soufri!” criait une femme, serrant son enfant contre elle, contemplant la représentation d’une mère pleurant son fils emporté par la violence.
• “Vady montre nou reyalite nou! Se pa sèlman bèl koulè, se pa sèlman bèl mask! Li mete nou anfas ak sa n’ap viv chak jou!” s’indignait un jeune homme, filmant la procession avec son téléphone.
• “Nou se viktim chak jou, nou se fado Ayiti!” renchérissait un autre spectateur, hochant la tête avec amertume.
Dans un silence pesant, la foule avançait, suivant le cortège avec une gravité inhabituelle pour un carnaval. Ce n’était plus une simple fête, mais une marche funèbre pour un pays pris en otage par la violence.
L’héritage d’un créateur intemporel
Vady Confident ne se contente pas de créer pour lui-même. Son travail a traversé les frontières, exposé aux États-Unis et ailleurs, où il sert d’ambassadeur d’une Haïti créative, indomptable et authentique. Pourtant, il demeure ancré dans Jacmel, refusant de se détacher de la terre qui l’a façonné.

Aujourd’hui, il est bien plus qu’un artiste : il est une passerelle entre le passé et l’avenir, entre l’art et la révolution, entre la douleur et la beauté.
Avec “Haïti et son fardeau”, il crie pour ceux qui ne peuvent plus parler, il peint ce que les médias taisent, il sculpte le poids du pays sur les épaules de son peuple.
En somme, comme on dit souvent : “Se pa lè atis la mouri pou nou ba li respè. Paske l’Art pa gen pri, men li gen valè.” De même, selon un proverbe vodou, “Lwa pa mouri, yo viv nan memwa moun.” Un artiste comme Vady Confident ne disparaît jamais vraiment, car son œuvre devient un esprit vivant qui traverse le temps et les âmes. Honorons Vady Confident et tous les autres artistes, peintres ou créateurs, de leur vivant, car leur talent façonne l’âme de notre culture et donne une voix à notre peuple.





Jean-Pierre Styve/FOUYE RASIN NOU (FRN)
Crédit Photo: @Chrisfort Photography