Vertières : Le jour où la liberté a pris sens et s’est confirmé dans l’histoire de l’humanité

Le 18 novembre est une date gravée au fer rouge dans l’histoire de l’humanité, mais surtout dans celle d’Haïti. Cette journée marque la victoire des esclaves insurgés contre l’armée de Napoléon lors de la bataille de Vertières en 1803, un moment où des hommes et des femmes enchaînés, opprimés, ont osé défier les puissants pour écrire leur propre destin. C’est l’expression magistrale du désir de la liberté et de son accomplissement dans son sens ultime.

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Une lutte pour la dignité humaine

Vertières, le 18 novembre 1803, fut le théâtre d’un affrontement décisif entre les troupes révolutionnaires haïtiennes et l’armée coloniale française dirigée par le général Rochambeau. Ce combat, mené sous la houlette de Jean-Jacques Dessalines, fut marqué par l’héroïsme des soldats haïtiens, notamment François Capois dit Capois-La-Mort. Selon les récits historiques , même après que son cheval eut été abattu par une volée de balles ennemies, Capois se releva, épée à la main, criant : “En avant !” Cet acte de bravoure força même Rochambeau à interrompre le combat pour saluer son courage, un geste rare dans l’histoire militaire.

Le général haïtien Jean-Jacques Dessalines, connu pour sa stratégie audacieuse et implacable, avait organisé les troupes révolutionnaires avec une discipline de fer. Ces soldats, souvent dépourvus de chaussures ou de vêtements appropriés, avaient transformé leurs limitations matérielles en force en utilisant des tactiques de guérilla et leur connaissance du terrain pour contrebalancer l’armement supérieur des troupes françaises.

Vertières n’est pas seulement un moment de triomphe militaire, c’est un cri lancé au monde entier : “L’homme noir n’est pas né pour être esclave.” Jean-Jacques Dessalines, François Capois dit Capois-La-Mort, et tant d’autres héros ont compris que mourir debout valait mieux que vivre à genoux. Ils ne combattaient pas seulement pour leur liberté personnelle, mais pour un principe universel, celui de la dignité humaine.

Ce patrimoine de lutte et de sacrifice est ce qui définit Haïti, cette terre qui a osé devenir la première république noire libre du monde. C’est une flamme qui ne doit jamais s’éteindre.

Le poids du silence

La bataille de Vertières ne fut pas seulement une victoire militaire, mais un bouleversement mondial. En forçant les troupes françaises à capituler, Haïti détruisit le rêve napoléonien d’un empire dans les Amériques et ouvrit la voie à la vente de la Louisiane aux États-Unis. C’est une des raisons pour lesquelles Haïti est parfois appelée « la clé de l’Amérique moderne ». Pourtant, ce rôle crucial est souvent ignoré, même dans les livres d’histoire internationaux. Se souvenir de Vertières, c’est donc aussi exiger une reconnaissance mondiale de cette contribution historique.

La défaite française fut officialisée avec la signature de l’armistice le lendemain, le 19 novembre 1803, à Cap-Français (aujourd’hui Cap-Haïtien). En moins de deux mois, le 1er janvier 1804, Jean-Jacques Dessalines proclama l’indépendance d’Haïti, affirmant la rupture définitive avec la domination coloniale et jetant les bases du premier noir indépendant du nouveau monde.

Le silence est une forme d’oubli. Chaque fois que nous négligeons de commémorer Vertières, chaque fois que nous choisissons de détourner le regard face aux défis de notre nation, nous faisons injure à nos ancêtres. Leur sacrifice n’était pas seulement pour un moment, mais pour un avenir. En laissant la corruption, la division, et l’indifférence gangréner notre société, nous trahissons leur vision.

Le silence face à notre histoire, c’est aussi le silence face à notre responsabilité. Nous portons en nous la mémoire de Vertières, non pas comme une gloire du passé, mais comme une obligation d’agir. Quand nous restons muets face aux injustices, quand nous laissons notre jeunesse sans espoir, nous perpétuons un cycle qui va à l’encontre de ce pourquoi ils ont combattu.

L’histoire comme boussole

Le courage des Haïtiens à Vertières est d’autant plus remarquable qu’ils combattaient avec des ressources limitées. Beaucoup de soldats n’avaient que des machettes, des lances artisanales et quelques fusils rudimentaires face à l’armement moderne des troupes françaises. Pourtant, grâce à leur ingéniosité et à leur détermination, ils ont exploité leur connaissance du terrain et leur unité pour remporter la victoire. Cela prouve que, même face à l’impossible, une nation déterminée peut transformer son destin.

Le rôle des femmes dans la lutte mérite également d’être souligné. Bien que souvent reléguées dans les récits traditionnels, elles ont servi d’éclaireuses, de cuisinières et d’infirmières. Certaines, comme Sanité Bélair, ont également pris les armes aux côtés des hommes, prouvant que la quête de liberté ne connaissait ni genre ni limite.

« Peyi sa gen listwa, yon patrimwán ki fèl sal ye la. » Haïti n’est pas née dans l’oubli, mais dans la lutte. Chaque pierre, chaque rivière, chaque morceau de terre est imprégné de ce patrimoine. Nous devons en être fiers, mais plus encore, nous devons en être dignes. Ce n’est pas un fardeau, mais une boussole. Elle nous rappelle que nous avons été capables de l’impossible et que nous le sommes encore aujourd’hui.

Pour honorer Vertières, il ne suffit pas de se souvenir. Il faut agir. Agir pour que nos enfants puissent marcher la tête haute dans une nation qui leur offre des opportunités. Agir pour que notre culture, notre langue, et nos valeurs continuent d’inspirer le monde entier. Agir pour que chaque 18 novembre ne soit pas seulement un jour de commémoration, mais un jour de renouvellement de notre engagement envers notre pays.

Aujourd’hui, à l’occasion de la fête de la bataille de Vertières, posons-nous une question simple mais essentielle : Sommes-nous fidèles à l’esprit de nos ancêtres ? Si la réponse est non, il n’est pas trop tard pour changer. Notre histoire nous appelle à nous lever, à parler, à agir. Haïti a été et peut redevenir une lumière pour le monde. Mais pour cela, nous ne devons pas faire silence.

Héritiers de Dessalines, de Capois, et de tous les anonymes qui ont versé leur sang pour cette terre, levons-nous. Redonnons vie à leur vision et à leur rêve. Car si toutfwa gen nan nou k ta bliye sa, raple nou : Peyi sa gen listwa. Nou pa sipoze fè silans.

Que ce 18 novembre soit un point de départ, une occasion de réfléchir, mais surtout d’agir. Enseignons cette histoire à nos enfants, exigeons des leaders qui incarnent nos valeurs, et travaillons ensemble pour bâtir un avenir à la hauteur de notre passé.

L’esprit de Vertières vit en nous. Alors, ne le laissons pas mourir dans le silence.

Jean-Pierre Styve/ Fouye Rasin Nou( FRN)

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